Open letter to IEA and member countries requesting open data

This posting provides a French translation of the original letter to the IEA.

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To the extent possible under law, Malte Schäfer and Robbie Morrison have waived all copyright and related or neighboring rights to Letter. This work is published from: Germany.

Lettre ouverte à l’Agence Internationale de l’Energie et à ses pays membres : Veuillez retirer les barrières payantes des données énergétiques mondiales et ajouter des licences ouvertes appropriées

Traduit de « Open letter to the International Energy Agency and its member countries: Please remove paywalls from global energy data and add appropriate open licenses ».

Pour contacter l’auteur coordinateur, merci d’envoyer un email à Malte Schäfer : malte.schaefer@gmx.net.

15 Décembre 2021

Dr Fatih Birol
Executive Director
International Energy Agency
Paris, France

Cher Dr Birol, chers membres de l’AIE, chers représentants des pays membres de l’AIE,

Nous, signataires, demandons que l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) mette à disposition les ensembles de données qu’elle reçoit et rassemble de ses pays membres sous des licences ouvertes appropriées afin que ces informations puissent être librement utilisées et réutilisées.1 Un tel statut permettrait aux analystes indépendants des systèmes énergétiques et au public intéressé d’étudier et de mieux comprendre les futurs systèmes énergétiques zéro émission nette. Nous adresserons également cette même demande aux pays membres de l’AIE, aux pays membres associés et aux partenaires stratégiques dans l’espoir qu’ils puissent également influencer les politiques de l’AIE sur cette question particulière.

Dans cette lettre ouverte, nous passons en revue les arguments à l’appui de notre demande, fournissons un certain contexte juridique, présentons notre communauté et concluons par la liste des signataires.

Arguments clefs et solutions proposées

Roser and Ritchie (2021) ont déjà décrit les problèmes découlant du fait que l’AIE fournit ses données derrière des barrières payantes (ou paywalls). Ils proposent également une solution simple : mettre les données à la disposition du public et demander aux pays membres d’augmenter leurs contributions financières à l’AIE d’un montant modeste (Roser et Ritchie estiment à 5-6 millions de dollars US par an au total) pour compenser le manque à gagner lié aux licences de données propriétaires. Nous ne présentons donc ici qu’un bref résumé de la situation et de la solution proposée. Pour plus de contexte et de détails, merci de se référer directement à Roser et Ritchie (2021).

Trois décennies de recherche ont montré qu’en tant que société humaine mondiale, nous devons rapidement passer à des émissions nettes nulles - et finalement négatives - afin d’éviter les pires conséquences d’un changement climatique. La majorité des émissions anthropiques sont liées à la conversion et à l’utilisation de l’énergie sous une forme ou une autre, notamment par l’utilisation constante de combustibles fossiles. Outre le changement climatique, les processus de conversion énergétique peuvent contribuer de manière importante à d’autres types de dommages environnementaux et humains, notamment la pollution atmosphérique locale.

Des données de haute qualité sont nécessaires pour créer des voies de transition efficaces et efficientes vers une société zéro émission nette. Ces voies de transition reposent sur une analyse approfondie et une modélisation précise des systèmes actuels, notamment des systèmes énergétiques. La qualité de l’analyse et de la modélisation est toutefois déterminée de manière critique par les données utilisées pour décrire et caractériser les systèmes en question.

Des données de haute qualité existent déjà : elles sont publiées par l’AIE mais restent derrière des barrières payantes. Et bien que l’AIE soit une institution financée par des fonds publics, les chercheurs et autres tiers intéressés doivent normalement payer et consentir à la non-divulgation pour accéder aux données de l’AIE - alors qu’ils travaillent souvent eux-mêmes pour des institutions publiques, notamment des universités.

En fin de compte, le manque de disponibilité des données conduira à des voies de transition qui seront à la fois plus coûteuses et moins efficaces qu’elles n’auraient dû l’être. Il est également fort probable que le montant total des revenus auxquels l’AIE renonce, si elle décide d’arrêter de vendre ses données, n’ait aucun rapport avec le coût global des voies de transition sous optimales. Comme indiqué précédemment, Roser et Ritchie (2021) estiment que les droits de licence de l’AIE rapportent environ 5 à 6 millions USD par an. Les écarts de coûts entre les divers scénarios de transition vers le zéro émission nette seront généralement supérieurs de plusieurs ordres de grandeur à ceux des droits de licence de l’AIE.

Les avantages des données ouvertes vont au-delà des efforts d’atténuation du changement climatique. Le McKinsey Global Institute estime que pour les seuls secteurs de l’électricité, du pétrole et du gaz, et des transports, les données ouvertes pourraient créer une valeur économique de 1,3 à 2,0 billions USD par an (Manyika et al. 2013). Les données ouvertes permettent de réduire la duplication des efforts de recherche - moins de ressources étant gaspillées pour recréer les données payantes de l’AIE à partir de sources alternatives et souvent inférieures en qualité. Les données ouvertes réduisent les inégalités, puisque les chercheurs des pays et institutions les plus riches sont mieux placés pour se permettre d’acheter les données de l’AIE. La crédibilité et la reproductibilité de la recherche sont améliorées : des chercheurs indépendants peuvent vérifier ou contester des études basées sur des données communes. La transparence est renforcée en ce qui concerne l’élaboration des politiques publiques. Enfin, les données ouvertes améliorent la sensibilisation et l’engagement en réduisant les obstacles auxquels se heurtent les journalistes et le public pour accéder aux données et comprendre leurs implications. Il est donc dans l’intérêt de toutes et tous que les données de l’AIE soient ouvertes et librement accessibles.

La solution proposée est simple et comporte deux aspects : d’une part, l’AIE devrait supprimer les barrières payantes de ses ensembles de données et, d’autre part, ses pays membres devraient augmenter leurs contributions financières à l’AIE pour compenser la perte de revenus provenant des droits de licence sur les données. L’AIE joue un rôle important dans la transition énergétique en cours, il est donc évident que l’organisation a besoin d’un financement adéquat. Deuxièmement, les données libérées doivent ensuite être fournies avec des licences ouvertes appropriées pour permettre leur utilisation et leur réutilisation.

Les signataires demanderont également à leurs gouvernements respectifs d’augmenter leurs contributions financières à l’AIE. Les avantages résultant de la disponibilité et de l’ouverture des données, y compris des voies de transition plus rentables, sont très probablement supérieurs à la perte de recettes commerciales par un multiplicateur très important.

En résumé, la mise en libre accès de tous les ensembles de données passés et présents de l’AIE devrait permettre une transition plus rapide, moins coûteuse et plus équitable vers des systèmes énergétiques mondiaux zéro émission nette, créer une valeur économique supplémentaire, accroître la qualité et la quantité de la recherche, et améliorer la sensibilisation et l’engagement du public. Le coût de ce résultat est modeste, et nous pensons qu’il pourrait être facilement partagé entre les pays membres de l’AIE.

Comme le dit Hannah Richie (2021) dans son commentaire sur Nature : « Pour s’attaquer aux problèmes mondiaux, le monde doit créer des données ouvertes ». Nous, les signataires, approuvons sans réserve.

Aspects légaux

Le concept de données ouvertes est souvent mal compris. Nous passons donc en revue certains aspects juridiques dans cette section. Comme pour toute donnée pouvant être rendue publique de manière légitime, les données de l’AIE doivent être assorties d’une licence ouverte appropriée.

Nous soutenons le point de vue récent du régulateur Ofgem du Royaume-Uni selon lequel la licence Creative Commons CC-BY-4.0 pourrait être la plus appropriée (Ofgem 2021, note de bas de page 7), tandis que les métadonnées devraient être marquées domaine public via une licence CC0-1.0 pour minimiser toute friction associée au traitement en aval (Kreutzer 2011).

L’Union Européenne définit ainsi les données ouvertes dans le point 16 de la directive 2019/1024 sur les données ouvertes (Commission européenne 2019) : " Le concept de données ouvertes s’entend généralement comme désignant des données présentées dans un format ouvert qui peuvent être librement utilisées, réutilisées et partagées par tous quelle qu’en soit la finalité." Cette définition exclut clairement les interdictions d’usage commercial.

Nous notons que la clause 1 de l’accord de la COP26 de la UNFCCC de 2021 (UNFCCC 2021) stipule que l’accord : “Reconnaît l’importance des meilleures données scientifiques disponibles pour une action et une prise de décision efficaces en matière de climat”. Cela doit signifier que les principales statistiques énergétiques nationales pertinentes pour l’élaboration des politiques ne doivent pas se trouver derrière des barrières payantes ni être soumises à des contraintes juridiques concernant leur utilisation et leur réutilisation.

Nous notons que le paragraphe 15.2 du pacte PIDESC de l’ONU de 1966 (Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels) se lit comme suit : "Les mesures que les Etats parties au présent Pacte prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre celles qui sont nécessaires pour assurer le maintien, le développement et la diffusion de la science et de la culture. " Cela doit signifier que les pays membres qui fournissent des données à l’AIE ont l’obligation, en vertu du droit international, de fournir également ces mêmes statistiques énergétiques nationales aux analystes des systèmes énergétiques et au public intéressé à des fins de recherche et d’analyse indépendantes sous forme de données ouvertes sous licence appropriée.

Nous tenons à souligner que la situation actuelle est très préjudiciable à nos recherches sur les voies de décarbonisation rapide des systèmes énergétiques nationaux et régionaux et leurs mérites relatifs. Sur ce thème précis, nous aimerions pouvoir reproduire les résultats présentés dans la feuille de route historique de l’AIE (2021a) - mais nous en sommes empêchés parce que nous ne pouvons pas nous procurer, utiliser et réutiliser librement les ensembles de données sous-jacents.2

Enfin, en tant que communauté, nous serions plus qu’heureux d’assurer la liaison avec l’AIE sur des mesures pratiques pour aider à rendre ces informations importantes librement utilisables et réutilisables (Hirth 2020, Morrison 2018). Nous avons l’expérience de l’interaction avec la Commission Européenne, l’organisme cadre ENTSO-E,3 les régulateurs de marché, les opérateurs de marché et diverses entreprises énergétiques dans ce contexte.

Liste des signataires

Nous, les signataires, sommes des analystes de systèmes énergétiques et beaucoup d’entre nous sont actifs dans la communauté Open Energy Modelling Initiative (openmod).4 Néanmoins, nous signons ici simplement à titre individuel.

L’Open Energy Modelling Initiative a été créée en septembre 2014 pour promouvoir la modélisation open source et les données véritablement ouvertes. La communauté compte environ 900 membres abonnés à sa liste de diffusion et 800 dans le forum de discussion. À ce jour, la communauté openmod a organisé 14 ateliers, et notre prochain événement post-Covid est en cours de planification.

Les ressortissants des 18 pays suivants sont représentés dans la liste des signataires : Albanie, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, France, Allemagne, Inde, Irlande, Italie, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Norvège, Afrique du Sud, Espagne, Suisse, Royaume-Uni et Etats-Unis.

Comme indiqué, certains des signataires transmettront des copies de cette lettre ouverte à leurs gouvernements respectifs afin de mettre en évidence le problème dans un contexte national.

Merci de noter que les 37 signataires ne sont pas listés dans cette lettre pour des raisons de respect de vie privée.

Références

Comission Européenne (26 Juin 2019). Directive (EU) 2019/1024 of the European Parliament and of the Council of 20 June 2019 on open data and the re-use of public sector information — PE/28/2019 REV/1. Official Journal of the European Union. L 172: 56–83.

AIE (Mai 2021a). Net zero by 2050: a roadmap for the global energy sector. Paris, France: IEA Publications.

AIE (Mai 2021b). Net zero by 2050 scenario — Data product. International Energy Agency (IEA). Paris, France.

Hirth, Lion (Janvier 2020). Open data for electricity modeling: legal aspects. Energy Strategy Reviews. 27: 100433. ISSN 2211-467X. doi:10.1016/j.esr.2019.100433. Open access.

Kreutzer, Till (2011). Validity of the Creative Commons Zero 1.0 universal public domain dedication and its usability for bibliographic metadata from the perspective of German copyright law. Berlin, Germany: Büro für Informationsrechtliche Expertise.

Manyika, James; Chui, Michael; Groves, Peter; Farrell, Diana; Van Kuiken, Steve; Almasi Doshi, Elizabeth (Octobre 2013). Open data: Unlocking innovation and performance with liquid information. McKinsey Global Institute.

Morrison, Robbie (Avril 2018). Energy system modeling: public transparency, scientific reproducibility, and open development. Energy Strategy Reviews. 20: 49–63. ISSN 2211-467X. doi:10.1016/j.esr.2017.12.010. Open access.

Ofgem (15 Novembre 2021). Decision on Data Best Practice Guidance and Digitalisation Strategy and Action Plan Guidance. London, United Kingdom: Office of Gas and Electricity Markets (Ofgem).

Roser, Max and Hannah Ritchie (Octobre 2021). The International Energy Agency publishes the detailed, global energy data we all need, but its funders force it behind paywalls: let’s ask them to change it. Our World in Data. Oxford, United Kingdom.

Ritchie, Hannah (Octobre 2021). Covid’s lessons for climate, sustainability and more from our World in Data. Nature. 598 (7879): 9–9. ISSN 1476-4687. doi:10.1038/d41586-021-02691-4.

Organisation des Nations Unies (Décembre 1966). International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights (ICESCR). New York, USA: United Nations Headquarters. United Nations General Assembly Resolution effective January 1976.

UNFCCC (13 Novembre 2021). Glasgow Climate Pact — COP26 — FCCC/PA/CMA/2021/L.16. Rio de Janeiro, Brazil and New York, USA: United Nations Framework Convention on Climate Change (UNFCCC). Cited document notated “Advanced version”.

Notes de bas de page

1 Le contenu de ce document est publié sous une licence Creative Commons CC0 1.0 (domaine publique). Les noms des signataires ne doivent pas être reproduits séparément de ce document afin de respecter leur vie privée et de conserver le contexte.

2 Dans le cas de l’étude sur le zéro émissions nettes d’ici 2050 (AIE 2021a), les ensembles de données sous-jacents (AIE 2021b) sont, après enregistrement, disponibles sous une licence Creative Commons CC-BY-NC-SA-3.0-IGO. L’utilisation d’une licence publique établie est un progrès évident, mais ce choix de licence particulier est, à notre avis, inadéquat à deux égards. Premièrement, l’attribut non commercial (NC) signifie que la licence ne peut pas être qualifiée d’ouverte selon les définitions établies pour les données ouvertes (par exemple, le considérant le point 16 de la Commission européenne (2019), cité dans son intégralité ailleurs dans ce document). Deuxièmement, seules les licences Creative Commons à partir de la version 4.0 peuvent être utilisées pour les données. Les versions antérieures des licences, telles que la licence CC-BY-NC-SA-3.0-IGO en question, ne renoncent pas aux droits sur les bases de données 96/9/CE permis par le droit de l’Union Européenne et également inclus actuellement dans le droit du Royaume-Uni. L’utilisation de la licence CC-BY-NC-SA-3.0-IGO peut donc signifier qu’un utilisateur pourrait, par inadvertance, porter atteinte à la propriété intellectuelle qui est naturellement attachée aux données qui sous-tendent l’étude de l’AIE sur le scénario zero émissions pour 2050. Cette éventualité n’est évidemment pas satisfaisante, même si la perspective de litige est faible. En outre, les chercheurs ne peuvent pas légitimement mélanger ces données de l’AIE avec d’autres données sous licence CC-BY-4.0 et rééditer l’agrégat. Cela constitue certainement un obstacle majeur à une recherche efficace sur la reduction des émissions. Néanmoins, nous saluons cette initiative visant à rendre plus accessibles certaines des données détenues par l’AIE.

3 European Network of Transmission System Operators for Electricity, https://www.entsoe.eu

4 L’Open Energy Modelling Initiative est également définie sur Wikipedia.